L’oeil de Washington
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« We must acknowledge once and for all that the purpose of diplomacy is to prolong a crisis. »

Spock, épisode “A taste of Armageddon”, Star Trek (The Original Series), première diffusion en 1967 à la télévision américaine.

 

L’oeil de Washington

La conjonction de plusieurs informations ces dernières semaines, relatives aux libertés fondamentales sur le réseau Internet et aux activités de surveillance étatique de ce réseau, laissent présager d’un avenir sombre pour la liberté d’expression et le respect de la vie privée des internautes et des citoyens de tous pays.

Les révélations concernant le programme de surveillance en ligne PRISM[1], de la puissante agence américaine NSA, illustrent à quel point un Internet essentiellement animé par des sociétés privées est une menace pour nos libertés fondamentales. Grâce au lanceur d’alerte Edward Snowden[2], dont le geste n’est pas sans rappeler celui de Bradley Manning dans l’affaire Wikileaks[3], nous savons aujourd’hui que la grande majorité des entreprises du web collaborent depuis 2009 au moins avec les services secrets américains pour fournir les données engrangées par leurs utilisateurs sur leurs sites respectifs. Microsoft, Apple, Google, Facebook, Skype… Pratiquement tous les « géants » du web – toutes des entreprises américaines – sont concernés.

Ceci est la conséquence directe du Patriot Act voté par le Congrès américain sous la présidence de George W. Bush, loi qui autorisait le gouvernement à organiser une surveillance généralisée des internautes non-américains, au nom de la “sécurité intérieure” et de “la lutte contre le terrorisme”. Or la notion d’acte de terrorisme peut avoir de multiples définitions, laissées à l’appréciation des agences gouvernementales, loin des yeux du peuple, et ce d’autant plus que l’accès aux données personnelles des internautes via le programme PRISM est autorisé par une cour de justice dont les délibérations restent secrètes. En clair, n’importe quel internaute non-américain peut voir ses données personnelles scrutées et analysées par la NSA, sans même qu’il en soit averti, ni avant, ni après l’accès à ses données.

L’aspect pour le moins subjectif de cette notion de “lutte contre le terrorisme” est assez évidente. En France, ces dernières années, la presse s’est faite l’écho de la collaboration d’entreprises françaises avec des régimes dictatoriaux, via la vente de technologies de surveillance des activités des usagers du Net. En Libye, c’est justement au nom de la lutte contre le terrorisme que le système de surveillance Eagle avait été vendu au régime de Kadhafi[4], et ce alors que le même pays finançait en sous-main la campagne électorale du futur chef d’État français[5].

Beaucoup moins grave, à la limite de l’absurde même, mais tout à fait illustratif des dérives auxquelles peut mener cette notion de “lutte contre le terrorisme” : lors d’un débat dans une ville du Tennessee en mai dernier, un conseiller municipal n’a pas hésité à répondre aux habitants qui se plaignaient de problèmes de santé après avoir bu de l’eau du robinet de qualité douteuse, que leurs propos pourraient s’apparenter à “un acte de terrorisme” et qu’ils pourraient donc tomber sous le coup de la loi.[6] C’est absurde, certes, espérons que ça le restera encore longtemps.

 

Internet comme outil de partage démocratique

Cette mainmise d’un État sur les libertés fondamentales des usagers du Net est en contradiction directe avec les principes mêmes de partage et de protection des données qui sont au coeur de sa philosophie. Dans la foulée des premières révelations sur le programme PRISM, plusieurs figures historiques du réseau ont déjà pris position sur ce sujet.

Steve Wozniak, le co-fondateur de la société Apple, explique dans un entretien pour CNN qu’avec le développement d’Internet, il s’agissait avant tout de “libérer les gens, de leur offrir la capacité de communiquer n’importe où dans le monde de manière instantanée et sans entrave. (…) Mais nous n’avons pas réalisé que le monde numérique offrait aussi de nombreuses technologies nouvelles pour nous contrôler et nous surveiller.” [7]

Tim Berners-Lee, l’un des inventeurs du web (le “web” étant ce principe de liens hyper-textes et d’URL permettant d’interconnecter les sites internet en une vaste “toile”), aujourd’hui président du W3C, a déclaré pour sa part que “si vous pouvez contrôler l’Internet, si vous pouvez commencer à modifier ce que disent les usagers et intercepter leurs communications, vous devenez vraiment très puissant… Et c’est le genre de pouvoir qui, s’il est octroyé à un gouvernement corrompu, lui permet de rester aux commandes pour toujours. Une surveillance gouvernementale totale est une violation directe des droits humains fondamentaux, une menace envers les fondements mêmes de la société démocratique.” [8].

Face à une telle menace contre les libertés et la vie privée des usagers, quelles solutions peuvent être envisagées ? La garantie de la neutralité du Net et le développement des logiciels libres sont primordiaux dans ce nécessaire débat démocratique, en ce qu’ils sont susceptibles de réaliser une (ré-)appropriation du réseau par ses usagers.

 

Le libre : un choix respectueux des usagers

Les logiciels libres[9] sont développés par et pour les utilisateurs, de manière collaborative. Ils permettent de mieux garantir la sécurisation des données personnelles et sont susceptibles de fournir des services plus fiables et mieux partagés. Plus fiables car corrigés et améliorés par ceux-là mêmes qui les utilisent, dans une optique d’efficacité d’utilisation, grâce à la publication et la modification libre de leurs codes sources. Mieux partagés car librement copiables et exécutables sur autant de terminaux informatiques que nécessaire, grâce à des licences dites “ouvertes” (il existe de nombreuses licences d’utilisation, plus ou moins ouvertes). Vous utilisez d’ailleurs déjà certainement des logiciels libres, à des degrés divers, dans votre utilisation de l’informatique et du Net : le navigateur Firefox de la Fondation Mozilla, le lecteur de vidéos VLC, la suite bureautique LibreOffice, le serveur Apache qui fait tourner nombre de sites internet que vous visitez, le système de blog WordPress, le moteur de  l’encyclopédie collaborative Wikipédia, sont autant de logiciels et d’applications issus du monde du Libre.

Tous ces logiciels sont bien moins susceptibles d’être asservis au bon vouloir et à la curiosité des agences de surveillance d’une quelconque nation, car ils ne dépendent généralement pas d’une entreprise privée. Ils sont par nature “apatrides”, dans le sens où ils ne sont pas soumis aux lois d’un pays et bénéficient des compétences de développeurs indépendants, réunis grâce au réseau et regroupés en fondations, en associations voire en simple groupes de travail informels[10]. Par bien des aspects, les logiciels libres sont des logiciels populaires, au sens fort du terme, qui sont “issus du peuple” et restent contrôlés par ceux qui le souhaitent et le peuvent. N’importe qui peut d’ailleurs participer à l’évolution d’un logiciel libre, pas seulement des ingénieurs et des informaticiens : si vous possédez des compétences de traduction, vous pouvez aider à la “localisation” de son interface, en tant que simple utilisateur, vous pouvez faire remonter un bug ou une suggestion d’amélioration à ses concepteurs.

Encourager l’utilisation et la présence des logiciels libres bénéficierait non seulement à la sécurité et à la garantie du respect de la vie privée des usagers du Net, mais permettrait en outre des économies notables aux administrations, ce qui n’est plus du tout négligeable dans l’environnement économique fortement contraint qui ébranle toute l’Europe depuis plusieurs années. En France, l’Assemblée Nationale est d’ailleurs passée au Libre à partir de fin 2006, bientôt suivie par le Sénat [11]. Le 13 juin dernier à Paris, lors de l’inauguration des nouveaux locaux de la Fondation Mozilla, la ministre chargée de l’Économie Numérique, Fleur Pellerin, a d’ailleurs rappelé l’importance du libre dans l’économie des nouvelles technologies : “La France est souvent citée comme un des pays les plus actifs au monde dans le domaine du logiciel libre. La croissance soutenue dans ce secteur le confirme. Les chiffres sont éloquents : ce marché représentait en 2011 plus de 2 milliards d’euros, soit plus de 6% de la demande de logiciels et de services informatiques. Par ailleurs, il y a là un formidable levier d’emplois, environ 10 000 supplémentaires dans les 3 ans à venir, si les estimations de croissance du marché sont confirmées.” [12]

En Allemagne, la municipalité de Munich a décidé de distribuer gratuitement aux habitants des CD d’un système d’exploitation fondé sur Linux, spécialement pensé pour les ordinateurs vieillissants, dans l’espoir de réduire le nombre de machines jetées à la poubelle alors qu’elles sont encore parfaitement fonctionnelles. [13] Le libre est donc aussi une manière de répondre au consumérisme et peut devenir une forme moderne de service public.

 

Le libre : une opportunité pédagogique émancipatrice

La philosophie rattachée à ces logiciels, qui met en avant les notions de partage, de travail collaboratif, d’intelligence collective, et qui favorise l’esprit d’initiative (n’importe qui peut créer un nouveau projet à partir des acquis d’un projet existant), est d’ailleurs un objet pédagogique idéal pour l’éducation des enfants dans les écoles de la République. S’approprier le savoir, la connaissance, le savoir-faire, est à la base de la notion d’instruction publique : “Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison.” (De l’Instruction commune pour les enfants, Condorcet, 1791).

Dans le même esprit, la députée Barbara Pompili du groupe EE-LV, affirmait lors du récent débat à l’Assemblée Nationale, et alors que le gouvernement décidait de supprimer la priorité donnée aux logiciels libres dans un projet de loi concernant justement l’enseignement, que « promouvoir les logiciels libres, c’est l’essence même de l’esprit de solidarité et d’égalité républicain » [14].

Bien entendu, au 18ème siècle, quand Condorcet réfléchissait aux objectifs de l’instruction publique, il ne pouvait pas imaginer l’avènement du réseau Internet et les possibilités de travail collaboratif et d’émancipation citoyenne qu’une telle technologie pouvait offrir. Mais nous vivons aujourd’hui, en 2013, dans une société où l’accès à Internet est aussi naturel, pour les nouvelles générations, que la démocratisation et l’accès aux livres imprimés a pu l’être pour les générations précédentes.

L’accès au Net est désormais un accès à la culture au sens large, où l’on trouve le pire et le meilleur, comme dans n’importe quelle librairie ou bibliothèque municipale. Aurait-on imaginé que nos choix de lecture et nos étagères de livres soient surveillés, fichés, annotés voire, pourquoi pas, censurés par des agences gouvernementales, et ce pour notre propre sécurité, au nom d’un “style de vie” qui serait imposé à tous par une poignée de décideurs ?

 

Vers la société du contrôle

Mais pour développer un tel antidote à une société de surveillance généralisée, il faut avoir une politique volontaire d’émancipation des citoyens sur l’Internet, qui passe par l’autonomie du réseau et par l’usage de logiciels sûrs (en particulier des logiciels libres, on l’a vu). Certaines déclarations de membres de l’actuel gouvernement français ne présagent pas d’une telle ambition. Le mercredi 12 juin, lors d’un débat à l’Assemblée Nationale, le député Malek Boutih, du groupe PS, déclarait très sérieusement qu’il « ne croyait pas à la légende des pirates du net, aux geeks qui diffusent gratuitement de la culture. Il s’agit d’une guerre économique, il faut reprendre le contrôle sur Internet, c’est une question plus large de souveraineté. (…) Contrôler les tuyaux, c’est contrôler les contenus » [15].

La situation au niveau de l’Europe est-elle plus encourageante ? Lors d’une récente conférence de presse conjointe avec le président des Etats-Unis à propos de PRISM, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré : “Internet est un nouveau territoire, un territoire inexploré pour nous tous. Et il permet à nos ennemis, il permet aux ennemis d’un ordre libre et libéral de l’utiliser, d’en abuser, de créer une menace pour nous tous, de menacer notre style de vie. Et c’est pourquoi nous attachons de l’importance à la coopération avec les États-Unis sur les questions de sécurité.” [16] Curieuse contradiction qui voit la surveillance généralisée des citoyens  justifiée par l’impératif de… préserver leurs libertés (on notera d’ailleurs cette expression pour le moins ambivalente qu’utilise Merkel : “l’ordre libre”, mais gageons qu’il s’agit seulement d’une maladresse de traduction ?).

De telles déclarations, que pourraient reprendre sans en changer une ligne les autorités chinoises qui censurent allègrement l’accès à Internet de leurs citoyens, ou les autorités iraniennes qui entendent tout simplement le remplacer par un réseau de communications “national”, lourdement surveillé et censuré[17], ont de quoi inquiéter sérieusement tous les défenseurs d’un internet libre et neutre.

“Contrôler les tuyaux, c’est contrôler les contenus” : cette phrase vertigineuse d’un élu de la République donne une idée de l’incompréhension d’une bonne partie de la classe politique sur ce qu’est l’Internet, sur son potentiel d’édification d’une véritable République numérique, transnationale et collaborative. Quand on y réfléchit bien, “contrôler les tuyaux”, c’est décider des capacités d’accès des usagers à ce nouveau territoire, et “contrôler les contenus”, c’est décider de ce qui pourra ou pas être lu, écouté ou visionné par ces usagers. Il s’agit ni plus ni moins que d’abandonner un principe fondamental : la neutralité du Net.

 

La neutralité du Net implique une stricte neutralité des États

La défense du principe de la neutralité du Net apparaît comme essentielle, mais cette notion finalement assez simple à comprendre reste plutôt floue pour le grand public. Depuis plusieurs années, des entreprises des nouvelles technologies et du secteur culturel marchand tentent de faire pression sur les gouvernements pour que cette neutralité soit abandonnée, au profit d’une circulation des données différenciée, prioritaire pour certains contenus mais pas pour d’autres, améliorée pour certains usagers mais dégradée pour d’autres. Un peu comme si la qualité de vos communications téléphoniques dépendait de votre interlocuteur, et ce à la discrétion de votre opérateur téléphonique, qui pourrait même vous interdire de contacter certaines personnes. Pour votre bien, bien entendu. La fin de la neutralité du Net verrait l’émergence d’un réseau à plusieurs vitesses où les contenus seraient plus ou moins accessibles et plus ou moins visibles, en fonction de motivations et d’intérêts essentiellement économiques ou « culturels ».[18]

On imagine bien à quelles extrémités pourrait conduire l’alliance de technologies de surveillance du type PRISM et la fin de la neutralité d’accès aux contenus. En Tunisie, en Egypte, en Turquie, aux États-Unis aussi avec le mouvement de contestation OccupyWallStreet, un quelconque “printemps” aurait-il pu être envisagé si l’information sur le Net avait été ainsi “hiérarchisée” ? Si les accès aux vidéos et aux pages des réseaux sociaux avaient été “ordonnés” à la discrétion des États et de leurs partenaires privés en charge du fonctionnement technique de tous ces services ? Y aurait-il eu un changement de pouvoir en Egypte ou en Tunisie si les sites des médias “officiels” avaient bénéficié d’une priorité d’accès au détriment des pages personnelles des activistes et des témoins en direct des événements ? OccupyWallStreet aurait-il été le mouvement de contestation et de réflexion sociale qu’il a été si l’État fédéral américain avait décidé, à la source, de ce qu’il était pertinent – ou pas – de faire savoir aux internautes ?

Les forces de l’ordre qui chargeaient les manifestants pacifiques de la place Taksim à Istanbul ces dernières semaines, n’utilisaient pas que des gaz lacrymogènes et des canons à eau, mais aussi des brouilleurs de réseau 3G, pour empêcher les activistes de témoigner en direct sur les événements en cours, depuis leurs smartphones. La libre circulation de l’information et de l’expression sur le Net, voilà l’ennemi principal que craignent aujourd’hui les États non-démocratiques, et ceux dont la démocratie vacille.

Sur cette question de la neutralité du Net, la commissaire européenne en charge du numérique, Neelie Kroes, a présenté au Parlement un projet de loi visant à constituer « un garde-fou à tous les Européens, sur tous les appareils, sur tous les réseaux – une garantie d’accès à un Internet complet et ouvert ».[19] Neelie Kroes explique ses motivations sur son propre blog : “les usagers doivent savoir si, en payant leur accès au Net, ils ont du Champagne ou seulement du vin pétillant. Si ce n’est pas un accès complet au Net, l’offre ne devrait pas être markétée comme telle. Peut-être même l’offre ne devrait-elle pas être présentée comme un accès à Internet, en tout cas pas sans les réserves nécessaires. Les régulateurs d’accès devraient avoir ce genre de contrôle sur les offres proposées par les opérateurs Internet.” [20]

 

Etats.com ou citoyens.org ?

Parmi les révélations de  l’affaire PRISM, une information sans doute anecdotique, mais hautement symbolique, a fini par émerger : le directeur de la sécurité du réseau social Facebook, site côté en bourse et critiqué pour changer ses règles d’utilisation régulièrement[21], a quitté ses fonctions en 2010. Pour intégrer la NSA[22]. Cette porosité entre les deux mondes, celui de l’agrégation de données personnelles numériques  d’une part, et celui de l’espionnage d’État à grande échelle motivé par des raisons de sécurité intérieure à la légitimité douteuse, d’autre part, devrait interroger et inquiéter les utilisateurs du Net que nous sommes.

Face à cet enjeu, nos représentants politiques sont-ils condamnés à l’inculture sur tout ce qui touche au réseau Internet et aux potentiels des nouvelles technologies en matière de circulation de l’information, d’éducation, de libertés civiles et, finalement, en matière d’émancipation populaire ? Est-il dans l’intérêt des citoyens de laisser l’avenir du réseau à des personnes qui l’envisagent comme “des gros tuyaux” ou “des terres nouvelles à découvrir” ? Un État peut-il surveiller comme bon lui semble les usagers du net, avec la complicité, qu’elle soit forcée ou volontaire, des entreprises qui “monétisent” ces usagers au travers de leurs plate-formes de services ?

Faut-il pour autant désespérer de la politique ? Dénigrer à l’emporte-pièce le monde de la politique, dans son ensemble, reviendrait à faire un cadeau inespéré aux organisateurs de cette tentative de mutation de l’Internet, de vaste réseau démocratique d’expression libre en inquiétante machine à écouter aux portes et à censurer. Devant la tournure que prend “l’affaire” PRISM, Edward Snowden ayant été accusé d’espionnage par la Maison Blanche (ce ne sera jamais que le huitième citoyen américain à être poursuivi de la sorte au nom de l’Espionage Act sous la précidence d’Obama, ce qui est en soit un record[23]), une commission du Conseil de l’Europe vient d’adopter un rapport, “Sécurité nationale et accès à l’information”, qui préconise l’instauration de protections pour les lanceurs d’alertes et de “limites raisonnables dans l’invocation de la sécurité nationale comme justification du secret.” [24]

Bien sûr, un rapport d’une commission du Conseil de l’Europe n’est pas un projet de directive européenne, et une directive européenne n’aurait de toute façon aucun effet sur la politique américaine, chinoise, russe ou iranienne, en matière de protection des libertés sur le réseau. Mais c’est tout de même un premier pas, qui vient s’ajouter aux efforts parallèles de la députée Neelie Kroes pour préserver un accès neutre et des pratiques commerciales claires. Les petits ruisseaux…

Finalement, la seule façon de garantir nos libertés individuelles et collectives à l’ère du numérique, c’est de nous y intéresser, de “mettre le nez dedans”, comme on le ferait pour le code source d’un logiciel libre. Nous pouvons nous ré-approprier la politique, en modifier le code source dans l’intérêt général, et l’invention du Net est une formidable chose pour cela. C’est bien pour ça que le réseau est gênant pour les États, toujours jaloux de leurs intérêts particuliers, qui ne sont pas toujours l’intérêt de leurs populations. En matière de démocratie, le web change la donne. Il ne tient qu’à nous d’en faire un véritable bien commun.


Texte de Grégory Gutierez, avec l’aide collective des membres de la commission Partage 2.0, merci notamment à Feth Areski et Gaelle Krikorian.

Cet article est diffusé en licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0.

Creative Commons

 

Notes

[1] Infographie du Monde à propos du programme Prism : http://www.lemonde.fr/international/infographie/2013/06/11/leprogrammeprismenuneinfographie_3427774_3210.html

[3] Voir la page Wikipédia consacrée à Bradley Manning : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bradley_Manning

[6] Sherwin Smith, Tennessee Official, Says Water Quality Complaints Could Be ‘Act Of Terrorism’ http://www.huffingtonpost.com/2013/06/22/sherwinsmithtennesseeterrorism_n_3480930.html

[7] Steve Wozniak on NSA Snooping: ‘I Feel a Little Guilty’ http://mashable.com/2013/06/21/stevewozniakonnsa/ Extrait original : « free the people up, give them instant communication anywhere in the world, any thought you could share it freely. (…) That was going to overcome a lot of the government restrictions, » he continued. « We didn’t realize that in the digital world, there are a lot of ways to use the digital technology to control us, to snoop on us. »

[9] FLOSS : Free/Libre Open Source Softwares, voir l’article Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Free/Libre_Open_Source_Software

[10] Le site Numerama s’est fait l’écho de l’initiative américaine « PRISM Break », qui recense les logiciels et outils internet qui ne participent pas au programme PRISM, et qui sont tous des logiciels libres : http://www.numerama.com/magazine/26211-prismdeslogicielsetservicesalternatifspourlimiterlasurveillance.html

[13] « German City Hopes to Wean Citizens Off Windows XP With Free Linux CDs, » http://www.omgubuntu.co.uk/2013/06/germany-to-hand-out-free-ubuntu-cds-on-xps-deat

[14] Article « Le gouvernement et les députés suppriment la priorité du libre à l’école », http://www.pcinpact.com/news/80222-legouvernementetdeputessupprimentprioritelibrealecole.htm

[16] Article “#NEULAND: Angela Merkel découvre l’internet et crée un mème » http://www.slate.fr/culture/74265/neulandangelamerkelinternetmeme

[17] Internet Censorship in Iran sur Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_censorship_in_Iran

[18] “La neutralité du Net” sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralit%C3%A9_du_r%C3%A9seau

[20] Article Next Steps on the Net Neutrality sur le blog de Neelie Kroes, http://blogs.ec.europa.eu/neeliekroes/netneutrality/ Extrait original : “consumers also need to know if they are getting Champagne or lesser sparkling wine. If it is not full Internet, it shouldn’t be marketed as such; perhaps it shouldn’t be marketed as “Internet” at all, at least not without any upfront qualification. Regulators should have that kind of control over how ISPs market the service.”

[21] A propos du traitement des données personnelles par Facebook, article “Données personnelles : comment les utilisateurs de Facebook se font avoir”, http://www.01net.com/editorial/588263/donneespersonnellescommentlesutilisateursdefacebooksefontavoir/

[23] Article “Obama a fait inculper plus d’individus avec l’Espionage Act que tous ses prédécesseurs”, http://www.slate.fr/monde/74339/obamaespionageactsnowden

[24] Article “Le Conseil de l’Europe veut protéger les « donneurs d’alerte », http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/06/24/leconseildeleuropeveutprotegerlesdonneursdalerte_3435850_3214.html

Voir aussi la prise de position de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, “USA must not hunt down whistleblower Edward Snowden”, http://www.amnesty.org/en/news/usamustnothuntdownwhistlebloweredwardsnowden-2013-06-24