Civiliser le numérique pour accomplir sa promesse de liberté
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(Extrait du programme numérique du socle programmatique des écologistes pour les élections européennes 2019 (fichier PDF).)

Il est absolument nécessaire que la réflexion collective reprenne la main sur le numérique. C’est à elle de fixer les règles et de dessiner les limites sur des sujets aussi importants et sensibles que la manipulation génétique, l’exploitation des données privées ou encore l’intelligence artificielle.

1 Libérer la conception : l’Europe des logiciels et des données libres

Face à la centralisation et au contrôle des données et des logiciels ailleurs dans le monde, l’Union Européenne doit s’engager vers les gouvernances en communs : données ouvertes et logiciels libres, afin que celles-ci soient la norme.

L’Europe doit être un rempart contre les attaques sur la neutralité du net. La gratuité, l’égalité et la non-différenciation de la circulation des données est le deuxième esprit du web, sans condamner ni les paiements à l’entrée (fournisseurs d’accès) ni les services payants (abonnements, boutiques). La surveillance généralisée et centralisée qui est en train de se mettre en place sous couvert de lutter contre le terrorisme est à l’opposé de l’esprit d’Internet. Nos données personnelles doivent être protégées de leur appropriation à des fins militaires ou commerciales. Le règlement RGPD porté par le groupe Verts/ALE est une première étape qui doit mener à la fin du trafic de données à notre insu.

Nous proposons :

  • D’interdire la surveillance policière sans discrimination généralisée et leurs usages d’outils approximatifs puisant dans les banques de données civiles et privées ;
  • De ne plus abandonner la sécurité à des sociétés privés et commerciales (ce n’est pas facebook ou google qui peuvent autoriser ou non les communications entre les personnes) et négocier avec les Etats la limitation des pratiques d’espionnage numérique ;
  • De garantir le droit à la création en open source pour l’ensemble des auteurs.autrices et créateurs.créatrices.

2 Reprendre la main sur les GAFAM

Comme dans de nombreux domaines, nous soulignons les dangers liés à la constitution de monopoles privés parfois plus puissants que certains États. Nous voulons substituer au modèle des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) une économie numérique basée sur des acteurs multiples et guidée par les principes de partage et de collaboration.

Si les technologies numériques permettent de démultiplier les échanges d’information, donc d’accélérer la diffusion de la culture et l’avancée des connaissances tout en expérimentant de nouvelles formes de coopération et de travail, elles nourrissent les tendances au contrôle et à la “rentabilisation” qui mettent en danger la recherche publique, l’accès à l’information et les savoirs plus largement. Déterminés à rompre avec ces dérives, nous voulons favoriser un système organisé sur le partage, l’échange, la gestion collective de biens communs, l’attribution de droits collectifs d’usage.

Nous proposons :

  • De taxer les GAFAM ;
  • De flécher les ressources issues de ces taxes vers la recherche et l’éducation supérieure en Europe dans le domaine du numérique et la lutte contre l’illectronisme ;
  • D’appliquer les lois anti-trust, imposer un juste paiement des impôts et une taxation des flux financiers issus du travail autour des données personnelles.

3 Donner le pouvoir aux utilisateurs.trices

Nous proposons :

  • De lutter contre les monopoles des transports de l’information, en promouvant/facilitant les fournisseurs d’accès alternatifs ;
  • D’obliger les constructeurs à utiliser du matériel interopérable, lutter contre l’obsolescence logicielle, surtout quand elle entraîne une obsolescence matérielle ;
  • De favoriser la sécurité des communications et l’anonymat entre les personnes ;
  • D’autoriser le cryptage de bout en bout ;
  • D’opposer aux fake-news des obligations légales fixées aux fournisseurs de réseaux sociaux, des mesures de rétorsion contre les producteurs chroniques de fake-news ;
  • De lutter contre les DRM (digital rights management) et les mesures techniques de protection, de miser sur de réelles interopérabilités pour garantir à la fois un usage universel mais aussi une pérennité des logiciels et des matériels.

4 Lutter contre la pollution des outils matériels et logiciels et lancer un plan d’approvisionnement durable

Data center, transports des données et technologies surpuissantes telles que les blockchains et minage des crypto-monnaies sont des gouffres électriques. La consommation en doit être contrôlée et l’empreinte environnementale doit être calculée sur l’ensemble du cycle de vie.

Nous proposons :

  • D’inciter à la création de datacenters moins gourmand en énergie, alimentés en énergies propres, et l’investissement dans la récupération de chaleur issue des datacenters ;
  • D’imposer une valorisation claire sur l’usage des services, des réseaux ou des machines qui montre leurs réels impact sur l’environnement ;
  • De rendre obligatoire une information précise sur la consommation énergétique, les matériaux, les modes de gestion des centre de données qui doit être affichée sur les objets (téléphones, ordinateurs…) mais aussi sur les sites ;
  • De lancer un plan d’approvisionnement durable en terres et métaux rares : en limitant obsolescence programmée et besoins matériels, en investissant dans la récupération des matériaux et au réemploi et recyclage.

5 Lancer un plan européen d’éducation à la grammaire de l’image, du son, de l’information contre les fakenews

Les outils numériques sont omniprésents dans la vie des européen.ne.s, mais si aujourd’hui les Etats soutiennent largement la généralisation de l’accès à internet sur les territoires, le techno-productivisme est également porteur de fausses promesses de “dématérialisation” et de vitesse qui creusent la fracture numérique et a des conséquences environnementales importantes. Le numérique doit devenir une instrument d’émancipation plutôt que de ségrégation.

Nous proposons :

  • Un plan européen de lutte contre l’illectronisme ;
  • Contre la culture des fakenews et des violences numérique, un plan européen d’éducation à la grammaire des image, du son et de l’information à destination des plus jeunes dans les écoles européennes, mais aussi auprès du grand public par des campagnes de communication et des critères européens de référencement des sites d’informations ;
  • D’enseigner l’informatique avec des connaissances pratiques permettant un esprit critique, avec une sensibilisation aux données personnelles.

6 Construire une gouvernance européenne de l’intelligence artificielle

Le développement rapide de l’intelligence artificielle bouleverse à la fois nos économies et nos manières d’appréhender notre rapport à une nouvelle technique, au déploiement indépendant de l’effort humain. Les ventes de robots ont connu en 2014 leur plus forte augmentation annuelle (+29 %) ; les équipementiers automobiles et le secteur de l’électricité/électronique étant les deux principaux moteurs de cette croissance. Selon les prévisions d’Oxford, 47 % des emplois seraient supprimés aux USA dans les 20 prochaines années ; et 45% en France et dans le meilleur des cas, seulement deux cinquièmes remplacés. Les métiers et les régions européennes sont diversement impactées par l’intelligence artificielle, tandis que des normes et mesures réglementaires doivent rapidement être prises afin que l’Union européenne décide de la fonction, du rôle et des modalités d’innovation. La recherche et la conception informatique ne doivent pas perdre de vue l’éthique des projets, comme par exemple la technique CRISPR qui permet des manipulations de certains génomes.

Nous proposons :

  • La mise en place d’une gouvernance européenne de l’intelligence artificielle qui puisse élaborer des normes et réglementations pour les produits issus de et utilisant l’IA ;
  • Interdire l’importation des produits ne correspondant pas à ces normes ;
  • La gouvernance européenne de l’IA aura également pour objet et pour tâche d’établir les règles notamment de responsabilité visant à protéger l’humain ;
  • Initier et faire ratifier un Traité international d’interdiction des robots tueurs.